2100 

Elle saisit l’enveloppe cachetée il y a de cela des années : 2100 noté en lettres noires, onduleuses, délicates. Hésitante, pinçant inconsciemment sa lèvre inférieure, les doigts parcourent l’arête pour finir par ouvrir le message.

« 2017 : l’année de tous les bouleversements. Tu venais de naître, tendre et belle, rosée et potelée comme l’on aime un nouveau-né. Dans tes grands yeux bleus se lisait ta joie de vivre, clownesque et gloutonne à la fois. Maintenant, je peux te l’avouer : tu n’es pas née de mon ventre. Dans ce tourbillon incertain que devenait le monde, l’humain, règne de misère et de médiocrité tentant d’étouffer les beautés de Dame nature, tu es apparue, tel l’ange sauveur de ta blonde candeur. »

Elle l’avait toujours su ; finalement lire cette lettre ne se révélait qu’une confirmation de sa profonde certitude. Elle n’avait pas osé l’ouvrir jusque-là : les souffrances de la guerre avaient été plus fortes.

La pluie ruisselle en silence sur la vitre, miroir pervers reflétant sa solitude. En pleine introspection, le vieil homme ne regarde plus la paroi de verre : son chagrin le mène sur la voie de souvenirs, bien trop souvent douloureux à son goût. Il exècre ce calme régnant ces journées grises de novembre, l’invitant malgré lui à la réflexion sur son chemin de vie.