Pas de chance ! Je n' ai plus d odorat , je souffre d' a...quelque chose ; Je ne sais plus le nom , je l' ai pourtant assez entendu , lu, répété , et croyais-je mémorisé , mais non ! Irréversible , m' ont-ils dit .

Que de fois ce sens est-il sollicité , si j' en crois le nombre de fois où l' on me dit : " Humm , tu sens ?", en promenade , dans les sous bois , au bord de la mer , dans la cuisine , haut lieu d' innombrables senteurs . Et connaissant mon handicap , tout de suite de s excuser :" Oh , pardon quel dommage! "  ou de temps à autre : " Oh, quelle chance !"

J ai néanmoins en mémoire quelques parfums , odeurs "en situation": le café quand je le fais ,la pelouse quand je la tond  , les jacinthes et les lis dont l' odeur entêtante me ramène à l église le jour de ma communion, sans doute un grand moment d' exaltation, tout ce blanc !!  Et l' odeur envoutante et forte de la dame de la nuit , sorte de jasmin je crois , que j' ai longuement respiré il y a des années , et qui resurgit  quelque fois de façon tout à fait aléatoire .

Et si je continue de cuisiner ,- le coq au vin par exemple , que je réussis particulièrement bien !- je force toujours un peu sur les condiments et épices  qui me titillent le nez mais dont je n' arrive pas à  trouver les exhalaisons .

Il arrive aussi que j' aie une petite victoire toute personnelle , une odeur , je suis la seule à la sentir , elle est  là , elle m' enveloppe voluptueusement , je tressaille  .... je vais la reconnaitre , mais non ....elle a fui.

C est toujours un peu triste , après ce moment de bonheur fugitif  où je sens mes narines palpiter , ce retour à la vie...inodore .

2100 

Elle saisit l’enveloppe cachetée il y a de cela des années : 2100 noté en lettres noires, onduleuses, délicates. Hésitante, pinçant inconsciemment sa lèvre inférieure, les doigts parcourent l’arête pour finir par ouvrir le message.

« 2017 : l’année de tous les bouleversements. Tu venais de naître, tendre et belle, rosée et potelée comme l’on aime un nouveau-né. Dans tes grands yeux bleus se lisait ta joie de vivre, clownesque et gloutonne à la fois. Maintenant, je peux te l’avouer : tu n’es pas née de mon ventre. Dans ce tourbillon incertain que devenait le monde, l’humain, règne de misère et de médiocrité tentant d’étouffer les beautés de Dame nature, tu es apparue, tel l’ange sauveur de ta blonde candeur. »

Elle l’avait toujours su ; finalement lire cette lettre ne se révélait qu’une confirmation de sa profonde certitude. Elle n’avait pas osé l’ouvrir jusque-là : les souffrances de la guerre avaient été plus fortes.

La pluie ruisselle en silence sur la vitre, miroir pervers reflétant sa solitude. En pleine introspection, le vieil homme ne regarde plus la paroi de verre : son chagrin le mène sur la voie de souvenirs, bien trop souvent douloureux à son goût. Il exècre ce calme régnant ces journées grises de novembre, l’invitant malgré lui à la réflexion sur son chemin de vie.

La solitude, il y a celle qui peut peser parfois lorsque le temps passe lentement les jours de pluie par exemple.

Celle qui peut aussi provoquer le chagrin, la tristesse de ne pas partager, de tout assumer chaque jour, toujours seule.

Mais la solitude, ça peut aussi vouloir dire du temps pour soi, du temps pour réfléchir sur le sens que l'ont veut donner à sa vie, une certaine sorte d'introspection sur son passé ou bien son présent.

La solitude, il faut apprendre à l'apprivoiser, savoir savourer le calme , la sérénité qu'elle peut nous apporter.

Pour ma part, j'essaie de me réserver de véritables moments de solitude, et ceux que je préfère sont ceux que je savoure au bord de l'eau, un livre dans les mains, avec juste le silence autour.

En 2100 peut-être que toute trace humaine aura disparu, toute cette civilisation qui a certainement apporté beaucoup de facilités et de commodités inconnues des siècles précédents.

Nous qui avons le plus souvent apporté, surtout au cours des derniers XX et XXI siècle des destructions, des catastrophes de plus en plus graves à notre petite planète bleue.

En 2100, peut-être que la terre, l'eau, la glace, sauront regagner leur place initiale et peut-être que quelques survivants sauront prendre plus soin d'elle que les générations précédentes. 

Ces hommes et ces femmes la laisseront -elle en paix, la respecteront-ils comme il se doit?

Il faut l'espérer à tout prix.